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Néolithique européen

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Cours 16 : L’habitat au Néolithique - I

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Néolithique européen

Cours 16 :L’habitat au Néolithique - I

 

Nous avons deux cours pour parler de l’habitat au Néolithique en Europe.

Je pense que je vais m’intéresser aujourd’hui à des notions générales, à des définitions et à un exemple d’approche de l’évolution de l’habitat, en prenant le sud-est de la France, vous savez maintenant pourquoi, pour vous montrer comment on peut appréhender les questions liées aux habitats.
La semaine prochaine, nous verrons ce que l’on sait de l’habitat pendant les différentes phases du Néolithique en France, pour illustrer la variété de l’habitat pendant cette période.

Commençons donc par quelques concepts généraux. Et tout d’abord, qu’est ce qui nous permet de parler de l’habitat préhistorique, même s’agissant de la fin de la Préhistoire, car comme vous le savez les restes d’architectures sont fort peu nombreux, surtout en Europe par rapport à d’autres régions où des architectures de terres ont pu se conserver…

Souvenez-vous de Çatal Höyük.

En Europe, rien de ce genre sauf cas exceptionnels. Nous avons à faire généralement à 5 grands types de sites domestiques – par opposition aux sites funéraires ou, c’est parfois moins facile à mettre en évidence, des sites cultuels…

Le premier type c’est évidemment la grotte et l’abri sous roche. Sauf cas tout aussi exceptionnel, l’étude va se limiter à la mise en évidence des structures, des sols et des espaces domestiques s’ils existent pouvant être spécialisés. Pas d’architecture à priori, encore qu’il existe des cas de constructions dans des abris, mais nous ne sommes pas chez les Anasazis du sud-ouest des Etats-Unis.

Deuxième grand type de gisement, des sites que l’on dit à couches et qui ne présentent pas d’architectures conservées évidentes.
Là encore ce sont les structures domestiques, la répartition des objets qui va nous renseigner sur l’organisation de l’espace et éventuellement sur la présence d’architectures disparues.

Troisième type de site : le site dit « à fosses » en fait, il s’agit de sites où les couches et niveaux de sol archéologiques ont disparu ne livrant que le substratum dans lequel sont creusées des fosses mais aussi des trous de poteau par exemple, de palissades et de fossés…

Nous allons avoir ici des plans directement ou indirectement lisibles de construction qu’il s’agit de restituer et d’interpréter et ce n’est pas toujours facile.

La quatrième catégorie est beaucoup plus rare et en fait du même type que la précédente, c’est celle des sites lacustres, où nous allons avoir les poteaux conservés dans les trous de poteaux. Généralement cela se présente comme une forêt de piquets pas toujours lisible et seule la dendrochronologie, les mesures d’âge faites sur chaque poteau permettent de redessiner des plans des constructions réalisées avec des poteaux de même âge.

La cinquième catégorie concerne les architectures conservées, généralement en pierre sur des sites terrestres. Elle est relativement rare mais on peut y retrouver les vestiges des habitations elles-mêmes et parfois des aménagements collectifs comme les murs d’enceintes.

Enfin une sixième catégorie qui n’existe pour ainsi dire pas – c’est pour ça que je ne vous en ai mentionné que 5 – est celle des sites à architectures de terre conservées. En fait, elle existe bel et bien mais n’a été reconnue en Europe occidentale pour le Néolithique que très récemment, par les archéologues et géo-archéologues qui sont allés travailler au Proche Orient ou surtout dans le sud-est de l’Europe, en Bulgarie, où ces architectures assez bien conservées ont pu être étudiées. Alors maintenant on commence à en trouver essentiellement en Languedoc, dans le Midi.

Alors quelques notions générales maintenant sur l’étude de l’habitat avec tout d’abord quelques définitions propres aux archéologues

L’habitat tout d’abord ne désigne pas la maison mais a un sens très général incluant les autres éléments que je vous présente tout de suite :

L’habitation ou la maison correspond à la définition classique et actuelle, c’est le lieu où l’on vit.

Mais d’autres types de constructions peuvent être associées à la maison comme des bâtiments pour les animaux (étables, bergeries) ou pour les récoltes (greniers).

Mais attention au Néolithique un même bâtiment peut renfermer plusieurs activités dont celle de l’habitation associée par exemple à une étable…

Des aménagements collectifs font aussi partie de l’habitat, comme les enceintes, les places, les bâtiments collectifs (lieux de réunion, lieux de culte), et encore des aménagements hydrauliques…des terrassements…etc.

Enfin, il y a l’implantation : qui correspond au choix d’installation de l’habitat en terme de topographie, de proximité d’un cours d’eau, ou à l’inverse perché pour des besoins de défense…

Vous aurez compris qu’on ne dispose finalement que de peu de choses pour étudier l’habitat néolithique.

De fait, l’étude de l’habitat néolithique fait appel à de nombreuses disciplines et à un grand nombre de méthodes complémentaires, aussi complexes que celles utilisées pour tous les autres types d’études archéologiques. Voire plus.

Au départ c’est évidemment de l’archéologie, fouille, dégagement des niveaux de sols, des structures et des architectures, mais surtout c’est leur enregistrement qui va être important, plans, coupes, répartition, relevés d’élévations dans certains cas et l’archivage de tous ces éléments.

Cependant la restitution de l’habitat lui-même que l’on ai des plans de répartition de vestiges ou des plans de trous de poteaux et de palissades, ou encore des arases de murs de pierre ou de terre, ce n’est plus de l’archéologie au sens propre, c’est beaucoup d’imagination, de l’expérimentation, des comparaisons ethnographiques et parfois de la science fiction.

Evidemment, dans la restitution de l’habitat, la part de l’ethnologie ou de l’ethnoarchéologie est très importante.
Ces disciplines nous renseignent sur le champs de possibles, de part la grande variété de l’habitat actuellement, ou il y a peu, connue à la surface de la planète.

Parmi les études les plus célèbres, Pierre Pétrequin a ainsi étudié l’habitat traditionnel lacustre du Bénin qui lui a offert de nombreuses clés d’interprétation pour analyser et comprendre les vestiges des sites littoraux du Jura.

Mais il faut que vous gardiez à l’esprit que l’étude de l’habitat est quand même un art difficile et que nombre de nos restitutions demeurent, en grande partie, hypothétiques.

Je vais maintenant vous présenter une petite étude de cas portant sur l’évolution de l’habitat à la fin du Néolithique dans le sud-est de la France pour vous montrer tout ce qui peut être envisagé concernant l’habitat en général.

Ce travail se fonde sur une série de sites dont l'attribution chronoculturelle semble correcte et sur la révision de la périodisation de la fin du Néolithique en Provence qui nous permet d'organiser dans le temps les cultures archéologiques et donc les sites étudiés.

La région envisagée correspond à la basse Provence occidentale, à la Provence rhodanienne et à une partie de la Provence centrale.
Il s'agit des départements des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence.
Les données relatives aux habitats de la fin du Néolithique dans le Var, les Alpes-Maritimes et les Hautes-Alpes, encore indigentes, ne permettent pas d'intégrer la Provence orientale et septentrionale à cette étude. 

Le cadre chronoculturel s'étend de la fin du Néolithique moyen Chasséen à l'aube du Bronze ancien avec le groupe à céramique à décor barbelé.
Dans cette période, nous envisagerons les sites d'habitat correspondant à plusieurs cultures archéologiques dont le phasage schématique vous est présenté ici.
Nous avons recensés 98 sites archéologiques qui totalisent 162 occupations archéologiques distinctes.

Cependant, les corpus sont très contrastés selon les cultures envisagés.
Nous en disposons ainsi que de 5 sites d’habitat attribués clairement au Néolithique récent ou à la transition entre Néolithique moyen et Néolithique final et 4 seulement pour le groupe du Fraischamp.
Pour le Couronnien, nous avons sélectionnés 34 sites d’attribution peu douteuse.
Pour les faciès de type Rhône-Ouvèze et apparentés Fontbouisse, nous disposons de 32 sites.
Pour le Campaniforme : 18 sites livrent des occupations anciennes du Campaniforme pointillé géométrique, 43 sites du Campaniforme rhodano-provençal et 26 sites pour les groupes à céramique à décor barbelé de la transition entre le Néolithique final et le Bronze ancien.

Nous envisagerons successivement les données géographiques et topographiques d'implantation, puis les données plus spécifiquement liées à l'organisation et aux architectures de l'habitat en vous présentant à la fois les généralités issues de l'examen des données et des exemples précis.

Evidemment ce travail n'est qu'ébauché et demeure limité de part le nombre de sites connus pour chaque culture.

Commençons tout de suite avec les données géographiques et topographiques.

Concernant tout d’abord la distribution entre occupations de plein air et occupations de cavités (grottes et abris).
Pour l’ensemble de la période l’occupation des cavités ne peut être qualifiée simplement de marginale puisque elle est représentée par 37 occupations soit près du quart du corpus.
S’il s’agit, dans bien des cas, d’occupations peu importantes en volume d’objets et en séquence, elles attestent au minimum d’une complémentarité avec les sites de plein air.
Les données relatives au début de la période (Néolithique récent et groupe de Fraischamp ne sont sans doute absolument pas significative.
Pour la suite de la période, on se bornera à remarquer une grossière opposition entre les groupes Couronnien et Rhône-Ouvèze qui ne sont représentés en cavité que pour à peine plus de 15 % des occupations, alors que les groupes campaniformes ancien et rhodano-provençal peuvent présenter près d’un tiers d’occupations en grotte.
Seule la dernière phase avec le groupe à céramique à décor barbelé se démarque des autres cultures avec seulement 3 occupations de grottes dont la nature domestique n’est pas évidente (il s’agit de fragments de vases dans des contextes peu documentés) pour 26 sites répertoriés.

Le choix topographique de l’implantation maintenant (en ne considérant que les sites de plein air).

Ici encore les données relatives au début de la période sont trop peu nombreuses.
Pour les autres cultures, sites perchés et sites de plaine sont systématiquement représentés.
Si on observe les grandes tendances, pour les groupes Couronnien et Rhône-Ouvèze, la distribution est sensiblement équivalente et correspond à une grossière égalité de proportion entre sites de plaine et sites perchés.

C’est avec les ensembles campaniformes que les choix semblent se radicaliser.
Les sites du campaniforme ancien sont marqués par une fréquence de perchement importante.
Le Campaniforme rhodano-provençal en revanche présente près de deux tiers de sites de plaine.
Enfin la transition à l’âge du Bronze est marquée par un retour au perchement de sites avec seulement moins d’un tiers de sites de plaine.

Il demeure en revanche très difficile de modéliser l’occupation du territoire en envisageant pour les différentes cultures la répartition entre sites de plaine et sites perchés.
Nos cartes de répartition sont sans doute trop incomplètes et correspondent à un état de la recherche avec des secteurs surexploités et d’autres peu investis.

Une autre question que nous nous sommes posée est celle de la permanence et de la fondation des habitats.
Il existe évidemment des cavités et des sites d’implantation topographique remarquable qui ont fait l’objet d’occupations successives et sans doute d’autres qui ont été occupés de façon continue pendant de longues périodes.
Si on prend en compte les occupations antérieures au Néolithique final, la permanence de l’habitat au Néolithique en Provence est une donnée importante qui ne concerne pas seulement des sites remarquables mais aussi un grand nombre d’implantations de plaine.
Concernant la fin du Néolithique, le groupe Couronnien est marqué par un peu plus de fondations que de réoccupations de sites du Néolithique ancien et moyen.
Les sites du groupe Rhône-Ouvèze montrent la situation inverse avec un peu plus de réoccupations que de fondations.
Mais cette différence est peu significative.

En revanche, pour les différentes phases du Campaniforme, c’est la réoccupation des sites plus anciens qui domine très nettement.
Mais il est vrai que le choix de sites perchés remarquables pour le Campaniforme ancien et pour le groupe à céramique à décor barbelé explique en grande partie cette observation.

Si l’approche quantitative en grandes tendances demeure délicate en raison des faibles effectifs, qu’en est-il de l’approche qualitative avec les données architecturales.

La première question est celle des enceintes.

Plusieurs sites à enceinte sont connus dans la région provençale pour la période qui nous intéresse ici.

Ces enceintes sont de quatre types :

Le premier comprend des murs de pierre sèche, plus ou moins massifs et il est représenté par les sites de Miouvin à Istres, La Citadelle à Vauvenargues, Le Camp de Laure au Rove, les Lauzières à Lourmarin et peut-être la Brémonde à Buoux.

Le second type n’est représenté que par le site de La Fare à Forcalquier avec des enceintes composées de fossés interrompus doublés de murs de pierre.

Des palissades de bois ont été reconnues dans un second état d’occupation du site de La Fare à Forcalquier mais aussi sur les sites des Martins à Roussillon (si elles ne sont pas à attribuer au Néolithique moyen) et des Fabrys à Bonnieux et sous la forme de séries linéaires de calages aux Juilléras à Mondragon, et composent un troisième type.
Un dernier type d’enceinte pourrait être constitué des levées de terre tel que cela a pu être proposé pour le site du Clos Marie-Louise à Aix-en-Provence, si cette attribution est correcte puisque l’enceinte visible à la fouille était probablement à attribuer à l’âge du Fer.
Un premier problème est la notion même d’enceinte.
En effet, certaines de ces structures, en particulier les structures palissadées ne constituent pas obligatoirement des systèmes de clôture de l’habitat dans son ensemble mais peuvent correspondre à des limites internes entre différents secteurs de l’établissement, comme c'est le cas de la clôture du site des Juilléras et peut-être des murs du site des Barres à Eyguières.
Selon Christophe Gilabert, il en est de même du mur du site de la Brémonde qui, fouillé sur une faible longueur, ne constitue pas forcément une enceinte circonscrivant l’habitat.
Quoi qu’il en soit, la possibilité que certaines palissades correspondent à de réelles enceintes à un moment donné de l’histoire du site qui sont, par la suite, démantelée pour permettre un agrandissement demeure possible.

Sur le plan chronoculturel, les enceintes provençales de la fin du Néolithique ont l’avantage de ne présenter que deux phases de construction bien circonscrites.

Ainsi la quasi totalité des enceintes provençales est à rapporter au groupe Couronnien et donc à la première moitié du Néolithique final entre 3200 et 2800 avant notre ère.
Si des occupations du groupe Rhône-Ouvèze et du Campaniforme ancien et rhodano-provençal sont attestées sur certains sites à enceinte, aucune construction ne peut être rapportée à ces groupes.
De plus, si les murs de pierre, comme aux Lauzières étaient probablement encore en élévation au moment de ces réoccupations, le cas du site de La Fare montre que les fossés étaient rebouchés et les palissades abattues avant l’implantation du groupe Rhône-Ouvèze.
Ce n’est qu’avec le groupe à céramique à décor barbelé, à partir de 2150-2100 avant notre ère, que l’on observe de nouvelles enceintes avec le célèbre cas du Camp de Laure au Rove et, sous toute réserve, l’éperon du clos Marie-Louise (dont la topographie se prête bien à ce type d’aménagement).

Concernant maintenant l’organisation et l’architecture de l’habitat
Rappelons tout d'abord que l'existence de sites perchés dans des contextes topographiques de buttes, bords de plateau ou de terrasses et implantés sur des substrats rocheux d'une part et de sites de plaine d'autre part conditionne de façon importante la superficie, la forme, les matériaux et même les processus de conservation ou d'érosion des habitats.

La superficie des habitats est très variable, même pour les sites de plaine. Si nous ne disposons pas d'évaluation pour les sites du Néolithique récent et du groupe du Fraischamp, de nombreuses données sont disponibles pour le Couronnien.
Certains sites de plaine ne semblent occuper que quelques centaines de mètres carrés, comme certains sites perchés et ceinturés pour la Citadelle par exemple avec 800 m2.

Une série de sites présente des surfaces de 3000 à 5000 m2 comme Miouvin à Istres, Ponteau-Gare  à Martigues ou La Cascade à Vauvenargues.

D'autres présentent des dimensions très importantes 1 hectare et demi pour les Lauzières, 3 ha pour la Brémonde et pour le Collet-Redon selon les évaluations anciennes.

Les sites de dimensions gigantesques correspondent à des sites à occupations très longues et multiples comme ceux de la Ponchonnière à Aubignosc et des Fabrys à Bonnieux qui livrent du mobilier en surface sur près de 15 ha et 28 ha respectivement.

Mais ces sites sont occupés dès le Néolithique moyen puis plusieurs fois au Néolithique final et même à l'âge du Bronze pour le site des Fabrys correspondant au recoupement topographique de plusieurs établissements successifs et la superficie de chaque occupation n'est pas évaluée actuellement.

Même s'il existe un problème récurrent d'attribution culturelle du mobilier des groupes Rhône-Ouvèze et Campaniformes sur les sites déjà occupés par le groupe couronnien, il est possible d'avancer, à partir de l'observation de certains sites comme celui de La Fare à Forcalquier et des superficies reconnues pour les occupations uniques des groupes Rhône-Ouvèze et Campaniforme, que les sites de cette période sont de dimensions plus modestes qu'à l'époque précédente.

En particulier, l'existence de très grands sites ne semble plus attestée, même si les grands sites couronniens peuvent être réoccupés, ce n'est probablement que pour certains secteurs.

L'organisation des habitats est connue de façon très disparate et même sporadique et ne présente pas de récurrence en fonction des cultures envisagées.
Mais finalement peu de sites ont fait l'objet de fouilles sur des surfaces suffisamment conséquentes pour y observer l'organisation de l'habitat.
Dès le début du Néolithique final, de nombreux indices témoignent de l'organisation interne des implantations.

Sur le site de La Clairière, pour le groupe du Fraischamp, une base de mur à double parement s'appuie contre une paroi rocheuse et divise une partie du site sans qu'il soit possible de reconstituer la structure initiale. Des fosses et des remontages céramiques de part et d'autre du mur sont mentionnés.
Pour le Couronnien, les sites de Martigues, le Collet-Redon et Ponteau-Gare, montrent des implantations structurés associant sans doute plusieurs habitats construits et des murs de limitation ou de séparation entre différents secteurs.

Si la fonction des enceintes couronniennes n'est toujours pas évidente, il est possible de remarquer que la place des structures d'habitat par rapport à ces enceintes n'est pas toujours la même :
Si à la Citadelle à Vauvenargues, les vestiges attribués à une cabane ont été mis au jour à l'intérieur et au centre de l'enceinte, c'est contre le mur et à l'extérieur de l'enceinte que les traces de constructions ont été observées sur le site des Lauzières à Lourmarin et sur le site de Miouvin à Istres.

Sur le site de La Fare qui présente deux enceintes probablement synchrones et sub-concentriques, de grandes fosses qui renferment les vestiges de constructions ruinées (blocs, bûches carbonisées et panneaux de torchis) sont situées dans l'enceinte externe, alors que l'enceinte interne renferme des structures d'un type à la fois inédit et difficile à interpréter en terme d'habitat.

Les sites "à fosses" qui n'ont pas conservé de vestiges d'habitation au sens propre semblent eux-aussi livrer le témoignage d'une organisation interne des implantations en fonction de la distribution des différents types de structures comme vous le présentera Christophe Gilabert dans la matinée. Ou, avec la présence de système de clôtures au sein de l'habitat comme aux Fabrys à Bonnieux.
Il en est de même pour les sites des occupations rhône-ouvèzes et/ou campaniformes avec la présence de plusieurs grands murs qui limitent sans doute différents espaces sur le site des Barres à Eyguières par exemple.

Pour l'extrême fin de la période, sur le site des Juilléras, la répartition des différents types de structures témoigne d'une organisation évidente de l'espace, avec des divisions matérialisées parfois par des systèmes de clôture.
La présence de la cellule d'inhumation traduit sans doute un changement de vocation de ce secteur de l'habitat à un moment donné de son histoire.

Concernant enfin l'architecture des habitations.
Plusieurs éléments peuvent être envisagés pour le Couronnien et pour l'ensemble Rhône-Ouvèze / Campaniforme ancien.

Pour le Couronnien, les modules sont assez variables avec seulement 20 m2 pour l'habitation de la Citadelle contre 46 m2 pour l'habitation de Miouvin et près de 80 m2 au total pour les constructions correspondant à l'habitation n°1 du Collet-Redon, mais il pourrait s'agir de plusieurs unités juxtaposées.
Les dimensions suivent les mêmes écarts mais les constructions sont marquées par une faible largeur de l'ordre de 3 à 4 mètres au maximum.
La forme est plus intéressante puisque les rares plans restituables pour le Collet-Redon, Miouvin et peut-être les Lauzières montrent systématiquement des plans orthogonaux et donc des habitations rectangulaires.
De même, les premiers plans du site de Ponteau-Gare indique déjà l'existence d'une organisation en plans orthogonaux des différentes structures fouillées encore partiellement.

En raison de l'état de conservation des vestiges et de l'extrême variabilité des surfaces fouillées, il est très difficile d'évoquer la question du nombre d'unités d'habitation associées sur un même habitat.
Si le petit habitat perché et ceinturé de la Citadelle n'a sans doute jamais comporté plus d'une seule habitation, l'unique cabane observé à Miouvin ne témoigne pas forcément de l'occupation importante du plateau.
Aux Lauzières à Lourmarin, on a évoqué la présence possible de 4 à 5 unités d'habitation à l'extérieur de l'enceinte et 1 ou 2 à l'intérieur.
A La Fare, une seule unité d'habitation probable s'associe à une structure annexe plus réduite.
Sans donnée réelle, la superficie du site des Fabrys traduit sans doute l'existence de petites agglomérations de plaine.

Pour les sites rhône-ouvèzes et campaniformes, les habitations peu nombreuses montrent une certaine régularité, dans les modules avec environ 60 m2 pour les Calades et les Barres et des dimensions d'environ 10 X 6 m, ce qui correspond à l'implantation de la terrasse 1 du Col Sainte Anne, mais aussi par les formes ovalaires quasi systèmatiques.
Ces habitations correspondent aussi en module, forme et dimensions aux aires empierrées campaniformes du Languedoc oriental de Maupas et du Bois Sacré qui peuvent atteindre environ 50 à 55 m2 avec des dimensions de 12 X 4 m et des plans ovalaires.
Si ces plans au moins, si ce n'est modules et dimensions, se retrouvent bien en Languedoc dans la culture de Fontbouisse et les groupes situées plus à l'ouest, d'autres comparaisons sont possibles avec le site de Leceia au Portugal par exemple où une cabane campaniforme qui a la particularité de présenter deux murs concentriques, offrent un module pour la construction interne de 53 m2 et des dimensions de 10 X 5 mètres avec un plan ovalaire.
A cette cabane campaniforme en est associée une autre de dimensions extrêmement réduites de 5,3 m par 2,6, comme c'est le cas sur le site du Col Sainte Anne où s'ajoute à l'habitation principale une unité implantée sur une terrasse inférieure et de 4 X 3 mètres de dimensions. 
Pour cette période encore, la question du nombre d'unités d'habitation selon les sites demeure en suspens.
Le site des Barres à Eyguières montre une petite agglomération de quelques cabanes, alors que de nombreux sites sont très réduits.
Pour le Campaniforme, une à deux unités d'habitation parfois associées à une construction annexe peuvent être évoquées aux Calades à Orgon ou au Col Sainte-Anne à Simaine-collongue, bien que l'existence de 4 cabanes proches ait été évoquée pour la Place du Palais à Avignon.

Les matériaux utilisés dans la construction des habitations et les aménagements des habitats sont variés et rarement uniques.
Il s'agit de la pierre et sans doute de la terre, mais le plus souvent de constructions mixtes associant le bois et la terre ou le bois, la terre et la pierre.

Ces constructions mixtes à assise de pierre sont bien connues pour le Couronnien dans la région de Martigues sur les sites du Collet-Redon et de la Couronne et sans doute dans le Luberon avec les Lauzières à Lourmarin.
Mais des parois sur poteaux porteurs sont aussi présentes en complément de ces murs à base de pierre pour l'habitation n°1 du Collet-Redon et pour l'habitation de Miouvin.
Il en est sans doute de même pour la cabane de la Citadelle qui n'est représentée que par des parois de torchis à empreintes de clayonnage.
Si la terre est partout présente, sous la forme de torchis, sur les sites de hauteur présentant des architecture partielles en pierre, elle est peut-être exclusive ou associée seulement à des armatures de bois pour les sites de plaine ou certains sites de hauteur comme à La Fare.

Pour le Rhône-Ouvèze et le Campaniforme, le problème de la reconnaissance des architecture sur les sites de plaine est bien entendu équivalent.
Pour les architectures connues, il est possible de reconnaître 3 formes distinctes d'habitat.
Il s'agit d'une part des unités d'habitation ovalaires à bases de murs en pierre comme aux Calades, au Barres et sans doute au Col Sainte-Anne. Il s'agit là de sites faisant référence au groupe Rhône-Ouvèze et au Campaniforme ancien pointillé géométrique essentiellement.
D'autre part, des unités d'habitation reconnues par la présence d'une nappe empierrée selon les formes connues en Languedoc comme c'est probablement le cas sur le site des Ribauds à Mondragon. Il s'agit dans ce cas d'implantations du groupe Rhodano-Provençal du Campaniforme récent.
Et enfin, de sites où ne sont conservés que des structures en creux et des éléments en torchis comme sur le site des Juilléras qui s'apparente de cette façon à d'autres sites de la moyenne vallée du Rhône, dans la Drôme. Dans ces derniers cas, il s'agit d'implantations du Campaniforme Rhodano-Provençal ou du groupe à céramique à décor barbelé.

Quelle synthèse pouvons nous faire ce court panorama et de ces premières observations.
Tout d'abord, si nous ne pouvons pas observer l'existence de modèles stricts tels que ceux reconnus pour le Néolithique ancien danubien, il existe bel et bien une dimension culturelle de l'habitat, même si elle est plus ou moins marquée selon la culture ou la période envisagée.
En fonction de nos connaissances actuelles, l'habitat à la fin du Néolithique en Provence répond à des besoins spécifiques sur chaque site et s'adapte en même temps aux conditions de chaque implantation.

L'extrême diversité de l'habitat et de l'habitation pour le groupe Couronnien ne doit cependant pas cacher certains traits marquants comme l'édification d'enceintes à un moment de l'histoire de cette culture ou l'existence de sites de grandes superficies qui traduit probablement un certain regroupement de l'habitat à ce moment.
A cette époque, grands sites, enceintes et perchement pour l'habitat, participent sans doute du même phénomène que le développement dans cette région du mégalithisme, de la première diffusion d'objets métalliques, de l'art anthropomorphe etc.
Avec le Rhône-Ouvèze puis les courants campaniformes successifs, les implantations réduisent en superficie et montre l'apparition de nouvelles traditions dans les formes de l'habitation passant des plans quadrangulaires aux plans ovalaires.
Les implantations perchées de certaines des phases du Campaniforme correspondent sans doute à des conditions historiques - on pourrait peut-être dire politiques - et sans doute de courte durée.
L'apparition de réelles fortifications à l'extrême fin de la période est sans doute, elle aussi, à mettre en relation avec de nouveaux mouvements culturels.
Enfin, nous attirerons l'attention sur la bonne adéquation entre les cultures archéologiques définies à partir de la céramique et les données de l'habitat qui peuvent sans aucun doute participer de ces définitions culturelles et chronologiques.

Voilà pour cette étude de cas rapide portant sur le sud-est de la France et sur la seule fin du Néolithique.

La semaine prochaine nous verrons différents exemples de l’habitat néolithique en France du Néolithique ancien au Néolithique final.

Bibliographie :

COUDART A. (1998) – Architecture et Société néolithique. L'unité et la variance de la maison danubienne, Paris : MSH, 1998, 239 p. (DAF, 67).

GUILAINE J. (Dir.) (2001) – Communautés villageoises du Proche-Orient à l'Atlantique (8000-2000 avant notre ère) Séminaire du Collège de France, Paris : Errance, 2001, 280 p.

Retrouver l'étude intégrale de l'habitat du Néolithique final dans le sud-est de la France

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