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UB- Préhistoire Le site de Préhistoire de l'Université de Bourgogne Cours en ligne Licence 3 - Néolithique européen |
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Néolithique européen Cours 16 : L’habitat au Néolithique - I
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Nous avons deux cours pour parler de l’habitat au Néolithique en Europe. Je pense que je vais m’intéresser aujourd’hui à des notions générales, à des définitions et à un exemple d’approche de l’évolution de l’habitat, en prenant le sud-est de la France, vous savez maintenant pourquoi, pour vous montrer comment on peut appréhender les questions liées aux habitats. Commençons donc par quelques concepts généraux. Et tout d’abord, qu’est ce qui nous permet de parler de l’habitat préhistorique, même s’agissant de la fin de la Préhistoire, car comme vous le savez les restes d’architectures sont fort peu nombreux, surtout en Europe par rapport à d’autres régions où des architectures de terres ont pu se conserver… Souvenez-vous de Çatal Höyük. En Europe, rien de ce genre sauf cas exceptionnels. Nous avons à faire généralement à 5 grands types de sites domestiques – par opposition aux sites funéraires ou, c’est parfois moins facile à mettre en évidence, des sites cultuels… Le premier type c’est évidemment la grotte et l’abri sous roche. Sauf cas tout aussi exceptionnel, l’étude va se limiter à la mise en évidence des structures, des sols et des espaces domestiques s’ils existent pouvant être spécialisés. Pas d’architecture à priori, encore qu’il existe des cas de constructions dans des abris, mais nous ne sommes pas chez les Anasazis du sud-ouest des Etats-Unis. Deuxième grand type de gisement, des sites que l’on dit à couches et qui ne présentent pas d’architectures conservées évidentes. Troisième type de site : le site dit « à fosses » en fait, il s’agit de sites où les couches et niveaux de sol archéologiques ont disparu ne livrant que le substratum dans lequel sont creusées des fosses mais aussi des trous de poteau par exemple, de palissades et de fossés… Nous allons avoir ici des plans directement ou indirectement lisibles de construction qu’il s’agit de restituer et d’interpréter et ce n’est pas toujours facile. La quatrième catégorie est beaucoup plus rare et en fait du même type que la précédente, c’est celle des sites lacustres, où nous allons avoir les poteaux conservés dans les trous de poteaux. Généralement cela se présente comme une forêt de piquets pas toujours lisible et seule la dendrochronologie, les mesures d’âge faites sur chaque poteau permettent de redessiner des plans des constructions réalisées avec des poteaux de même âge. La cinquième catégorie concerne les architectures conservées, généralement en pierre sur des sites terrestres. Elle est relativement rare mais on peut y retrouver les vestiges des habitations elles-mêmes et parfois des aménagements collectifs comme les murs d’enceintes. Enfin une sixième catégorie qui n’existe pour ainsi dire pas – c’est pour ça que je ne vous en ai mentionné que 5 – est celle des sites à architectures de terre conservées. En fait, elle existe bel et bien mais n’a été reconnue en Europe occidentale pour le Néolithique que très récemment, par les archéologues et géo-archéologues qui sont allés travailler au Proche Orient ou surtout dans le sud-est de l’Europe, en Bulgarie, où ces architectures assez bien conservées ont pu être étudiées. Alors maintenant on commence à en trouver essentiellement en Languedoc, dans le Midi. Alors quelques notions générales maintenant sur l’étude de l’habitat avec tout d’abord quelques définitions propres aux archéologues L’habitat tout d’abord ne désigne pas la maison mais a un sens très général incluant les autres éléments que je vous présente tout de suite : L’habitation ou la maison correspond à la définition classique et actuelle, c’est le lieu où l’on vit. Mais d’autres types de constructions peuvent être associées à la maison comme des bâtiments pour les animaux (étables, bergeries) ou pour les récoltes (greniers). Mais attention au Néolithique un même bâtiment peut renfermer plusieurs activités dont celle de l’habitation associée par exemple à une étable… Des aménagements collectifs font aussi partie de l’habitat, comme les enceintes, les places, les bâtiments collectifs (lieux de réunion, lieux de culte), et encore des aménagements hydrauliques…des terrassements…etc. Enfin, il y a l’implantation : qui correspond au choix d’installation de l’habitat en terme de topographie, de proximité d’un cours d’eau, ou à l’inverse perché pour des besoins de défense… Vous aurez compris qu’on ne dispose finalement que de peu de choses pour étudier l’habitat néolithique. De fait, l’étude de l’habitat néolithique fait appel à de nombreuses disciplines et à un grand nombre de méthodes complémentaires, aussi complexes que celles utilisées pour tous les autres types d’études archéologiques. Voire plus. Au départ c’est évidemment de l’archéologie, fouille, dégagement des niveaux de sols, des structures et des architectures, mais surtout c’est leur enregistrement qui va être important, plans, coupes, répartition, relevés d’élévations dans certains cas et l’archivage de tous ces éléments. Cependant la restitution de l’habitat lui-même que l’on ai des plans de répartition de vestiges ou des plans de trous de poteaux et de palissades, ou encore des arases de murs de pierre ou de terre, ce n’est plus de l’archéologie au sens propre, c’est beaucoup d’imagination, de l’expérimentation, des comparaisons ethnographiques et parfois de la science fiction. Evidemment, dans la restitution de l’habitat, la part de l’ethnologie ou de l’ethnoarchéologie est très importante. Parmi les études les plus célèbres, Pierre Pétrequin a ainsi étudié l’habitat traditionnel lacustre du Bénin qui lui a offert de nombreuses clés d’interprétation pour analyser et comprendre les vestiges des sites littoraux du Jura. Mais il faut que vous gardiez à l’esprit que l’étude de l’habitat est quand même un art difficile et que nombre de nos restitutions demeurent, en grande partie, hypothétiques. Je vais maintenant vous présenter une petite étude de cas portant sur l’évolution de l’habitat à la fin du Néolithique dans le sud-est de la France pour vous montrer tout ce qui peut être envisagé concernant l’habitat en général. Ce travail se fonde sur une série de sites dont l'attribution chronoculturelle semble correcte et sur la révision de la périodisation de la fin du Néolithique en Provence qui nous permet d'organiser dans le temps les cultures archéologiques et donc les sites étudiés. La région envisagée correspond à la basse Provence occidentale, à la Provence rhodanienne et à une partie de la Provence centrale. Le cadre chronoculturel s'étend de la fin du Néolithique moyen Chasséen à l'aube du Bronze ancien avec le groupe à céramique à décor barbelé. Cependant, les corpus sont très contrastés selon les cultures envisagés. Nous envisagerons successivement les données géographiques et topographiques d'implantation, puis les données plus spécifiquement liées à l'organisation et aux architectures de l'habitat en vous présentant à la fois les généralités issues de l'examen des données et des exemples précis. Evidemment ce travail n'est qu'ébauché et demeure limité de part le nombre de sites connus pour chaque culture. Commençons tout de suite avec les données géographiques et topographiques. Concernant tout d’abord la distribution entre occupations de plein air et occupations de cavités (grottes et abris). Le choix topographique de l’implantation maintenant (en ne considérant que les sites de plein air). Ici encore les données relatives au début de la période sont trop peu nombreuses. C’est avec les ensembles campaniformes que les choix semblent se radicaliser. Il demeure en revanche très difficile de modéliser l’occupation du territoire en envisageant pour les différentes cultures la répartition entre sites de plaine et sites perchés. Une autre question que nous nous sommes posée est celle de la permanence et de la fondation des habitats. En revanche, pour les différentes phases du Campaniforme, c’est la réoccupation des sites plus anciens qui domine très nettement. Si l’approche quantitative en grandes tendances demeure délicate en raison des faibles effectifs, qu’en est-il de l’approche qualitative avec les données architecturales. La première question est celle des enceintes. Plusieurs sites à enceinte sont connus dans la région provençale pour la période qui nous intéresse ici. Ces enceintes sont de quatre types : Le premier comprend des murs de pierre sèche, plus ou moins massifs et il est représenté par les sites de Miouvin à Istres, La Citadelle à Vauvenargues, Le Camp de Laure au Rove, les Lauzières à Lourmarin et peut-être la Brémonde à Buoux. Le second type n’est représenté que par le site de La Fare à Forcalquier avec des enceintes composées de fossés interrompus doublés de murs de pierre. Des palissades de bois ont été reconnues dans un second état d’occupation du site de La Fare à Forcalquier mais aussi sur les sites des Martins à Roussillon (si elles ne sont pas à attribuer au Néolithique moyen) et des Fabrys à Bonnieux et sous la forme de séries linéaires de calages aux Juilléras à Mondragon, et composent un troisième type. Sur le plan chronoculturel, les enceintes provençales de la fin du Néolithique ont l’avantage de ne présenter que deux phases de construction bien circonscrites. Ainsi la quasi totalité des enceintes provençales est à rapporter au groupe Couronnien et donc à la première moitié du Néolithique final entre 3200 et 2800 avant notre ère. Concernant maintenant l’organisation et l’architecture de l’habitat La superficie des habitats est très variable, même pour les sites de plaine. Si nous ne disposons pas d'évaluation pour les sites du Néolithique récent et du groupe du Fraischamp, de nombreuses données sont disponibles pour le Couronnien. Une série de sites présente des surfaces de 3000 à 5000 m2 comme Miouvin à Istres, Ponteau-Gare à Martigues ou La Cascade à Vauvenargues. D'autres présentent des dimensions très importantes 1 hectare et demi pour les Lauzières, 3 ha pour la Brémonde et pour le Collet-Redon selon les évaluations anciennes. Les sites de dimensions gigantesques correspondent à des sites à occupations très longues et multiples comme ceux de la Ponchonnière à Aubignosc et des Fabrys à Bonnieux qui livrent du mobilier en surface sur près de 15 ha et 28 ha respectivement. Mais ces sites sont occupés dès le Néolithique moyen puis plusieurs fois au Néolithique final et même à l'âge du Bronze pour le site des Fabrys correspondant au recoupement topographique de plusieurs établissements successifs et la superficie de chaque occupation n'est pas évaluée actuellement. Même s'il existe un problème récurrent d'attribution culturelle du mobilier des groupes Rhône-Ouvèze et Campaniformes sur les sites déjà occupés par le groupe couronnien, il est possible d'avancer, à partir de l'observation de certains sites comme celui de La Fare à Forcalquier et des superficies reconnues pour les occupations uniques des groupes Rhône-Ouvèze et Campaniforme, que les sites de cette période sont de dimensions plus modestes qu'à l'époque précédente. En particulier, l'existence de très grands sites ne semble plus attestée, même si les grands sites couronniens peuvent être réoccupés, ce n'est probablement que pour certains secteurs. L'organisation des habitats est connue de façon très disparate et même sporadique et ne présente pas de récurrence en fonction des cultures envisagées. Sur le site de La Clairière, pour le groupe du Fraischamp, une base de mur à double parement s'appuie contre une paroi rocheuse et divise une partie du site sans qu'il soit possible de reconstituer la structure initiale. Des fosses et des remontages céramiques de part et d'autre du mur sont mentionnés. Si la fonction des enceintes couronniennes n'est toujours pas évidente, il est possible de remarquer que la place des structures d'habitat par rapport à ces enceintes n'est pas toujours la même : Sur le site de La Fare qui présente deux enceintes probablement synchrones et sub-concentriques, de grandes fosses qui renferment les vestiges de constructions ruinées (blocs, bûches carbonisées et panneaux de torchis) sont situées dans l'enceinte externe, alors que l'enceinte interne renferme des structures d'un type à la fois inédit et difficile à interpréter en terme d'habitat. Les sites "à fosses" qui n'ont pas conservé de vestiges d'habitation au sens propre semblent eux-aussi livrer le témoignage d'une organisation interne des implantations en fonction de la distribution des différents types de structures comme vous le présentera Christophe Gilabert dans la matinée. Ou, avec la présence de système de clôtures au sein de l'habitat comme aux Fabrys à Bonnieux. Pour l'extrême fin de la période, sur le site des Juilléras, la répartition des différents types de structures témoigne d'une organisation évidente de l'espace, avec des divisions matérialisées parfois par des systèmes de clôture. Concernant enfin l'architecture des habitations. Pour le Couronnien, les modules sont assez variables avec seulement 20 m2 pour l'habitation de la Citadelle contre 46 m2 pour l'habitation de Miouvin et près de 80 m2 au total pour les constructions correspondant à l'habitation n°1 du Collet-Redon, mais il pourrait s'agir de plusieurs unités juxtaposées. En raison de l'état de conservation des vestiges et de l'extrême variabilité des surfaces fouillées, il est très difficile d'évoquer la question du nombre d'unités d'habitation associées sur un même habitat. Pour les sites rhône-ouvèzes et campaniformes, les habitations peu nombreuses montrent une certaine régularité, dans les modules avec environ 60 m2 pour les Calades et les Barres et des dimensions d'environ 10 X 6 m, ce qui correspond à l'implantation de la terrasse 1 du Col Sainte Anne, mais aussi par les formes ovalaires quasi systèmatiques. Les matériaux utilisés dans la construction des habitations et les aménagements des habitats sont variés et rarement uniques. Ces constructions mixtes à assise de pierre sont bien connues pour le Couronnien dans la région de Martigues sur les sites du Collet-Redon et de la Couronne et sans doute dans le Luberon avec les Lauzières à Lourmarin. Pour le Rhône-Ouvèze et le Campaniforme, le problème de la reconnaissance des architecture sur les sites de plaine est bien entendu équivalent. Quelle synthèse pouvons nous faire ce court panorama et de ces premières observations. L'extrême diversité de l'habitat et de l'habitation pour le groupe Couronnien ne doit cependant pas cacher certains traits marquants comme l'édification d'enceintes à un moment de l'histoire de cette culture ou l'existence de sites de grandes superficies qui traduit probablement un certain regroupement de l'habitat à ce moment. Voilà pour cette étude de cas rapide portant sur le sud-est de la France et sur la seule fin du Néolithique. La semaine prochaine nous verrons différents exemples de l’habitat néolithique en France du Néolithique ancien au Néolithique final. Bibliographie : COUDART A. (1998) – Architecture et Société néolithique. L'unité et la variance de la maison danubienne, Paris : MSH, 1998, 239 p. (DAF, 67). GUILAINE J. (Dir.) (2001) – Communautés villageoises du Proche-Orient à l'Atlantique (8000-2000 avant notre ère) Séminaire du Collège de France, Paris : Errance, 2001, 280 p. Retrouver l'étude intégrale de l'habitat du Néolithique final dans le sud-est de la France |
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